Grammaire de l'Académie française

Grammaire de l'Académie française
Auteur Académie française
Pays Drapeau de la France France
Genre Grammaire
Éditeur Firmin-Didot et Cie
Lieu de parution Paris
Date de parution avril 1932, juin 1933
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La Grammaire de l'Académie française est la première grammaire publiée par l'Académie française en 1932. Sa rédaction a été dirigée par l'académicien Abel Hermant, aidé d'un ou de plusieurs prêtes-plumes inconnus. Elle a fait l'objet d'une seconde édition l'année suivante qui corrige les erreurs contenues dans la première.

Première grammaire publiée depuis la création de l'institution en 1634 — alors que le Dictionnaire de l'Académie a connu sa 8e édition en 1932 —, l'Académie n'a depuis plus réédité de grammaire, tant celle-ci a fait l'objet de vives critiques, et ce en dépit du fait que ses statuts lui imposent de travailler à sa rédaction.

Histoire

Place de la grammaire à l'Académie

Les statuts de l'Académie tels qu'établis lors de sa fondation an 1635 prévoient qu'elle travaille à la composition d'« un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique »[1] (art. XXVI). Alors que plusieurs éditions du Dictionnaire de l'Académie avaient paru, ce n'était toujours pas le cas de la grammaire ; quand à la rhétorique et la poétique, elles n'ont jamais été entreprises. Dans son élocution sur la grammaire de l'Académie, Abel Hermant précise : « [L'Académie] semble avoir renoncé à la Rhétorique et à la Poétique, qui ne sont plus au goût de notre temps : c’est une petite hardiesse que personne, j’imagine, ne lui reprochera »[2].

Une première tentative d'établir une grammaire avait précédemment été entreprise par un autre académicien : François-Séraphin Régnier-Desmarais (élu à l'Académie en 1670, dont il devient le secrétaire perpétuel en 1683). Il publie en 1705 un Traité de la Grammaire françoise[3], qui n'est donc pas une grammaire générale, et qui parait sous son nom et non en celui de l'Académie[4],[5].

Rédaction et publication

« M. Abel Hermant fait une proposition touchant la rédaction et la publication d'une grammaire de l'Académie française. »[6]

— Procès-verbal de la séance du 6 décembre 1928

La composition d'une grammaire par l'Académie est soutenue par Abel Hermant en décembre 1928. Il souhaite qu'elle soit conforme à celle décrite par Fénelon[7]. Soumis au cours de la séance du 6 décembre 1928, le projet est adopté et officiellement annoncé au cours d'une séance extraordinaire le 20 décembre 1928.

Une commission ad hoc est créée, composée de Joseph Bédier, Paul Valéry et Abel Hermant. Cependant il ne subsiste aucune trace des travaux de cette commission, ce qui rend impossible de connaître les conditions précises de la rédaction de la grammaire. Il est toutefois certain que c'est Abel Hermant qui en a dirigé la publication. Certains articles de presse indiquent qu'il a été aidé par un prête-plume inconnu, y compris des académiciens eux-mêmes[8]. Jean-Paul Caput, dans le Que Sais-je ? qu'il a consacré à l'Académie, précise : « L'élaboration de l'ouvrage étant restée mystérieuse, l'on peut se demander s'il y eut un pu plusieurs auteurs, et, éventuellement des rédacteurs. Officiellement, c'est l'œuvre de l'Académie, et non celle de telle ou telle personne particulière. En fait, il y eut des collaborateurs extérieurs, si l'on en croit F. Gaiffe, dans la Revue Universitaire en 193[2] : « Nul n'ignore que M. Abel Hermant en est le principal auteur, mais qu'il a fait appel a un ou plusieurs collaborateurs universitaires. »[9] »[10]. Le procès-verbal de la séance du 7 avril 1932 indique que « M. Abel Hermant [a pris l'initiative de la Grammaire] et s'est chargé de préparer le travail dont les épreuves ont été soumises à tous les membres. »[11].

La publication de l'ouvrage a lieu au mois d'avril 1932, durant lequel une souscription a été ouverte. C'est un très grand succès de librairie, puisque les 50 000 exemplaires sont vendus le jour même de sa parution, puis 100 000 dix jours plus tard[12],[10]. Jean-Paul Caput explique cet accueil « triomphal » par quatre raisons : « le prestige de l'Académie ; l'intérêt des Français pour leur langue ; le soucis encore très répandu de la pureté de celle-ci ; enfin, un phénomène de curiosité. »[13].

Sur la vente de l'ouvrage, Abel Hermant reçoit les trois quart de la moitié de la somme que l'éditeur verse à l'Académie[10].

Cette première édition ayant fait l'objet de nombreuses critiques, elle est réimprimée corrigée en 1933[14]. Toutefois cette seconde édition est qualifiée, sur sa page de titre, de nouvelle, et non de corrigée. L'Académie se justifie dans sa préface : « L'Académie, aussitôt après avoir publié la première édition de sa grammaire en a entrepris la révision, ainsi qu'elle a coutume de faire pour le Dictionnaire de l'usage, dont le travail, selon sa tradition constante, doit être ininterrompu. »

Éditions de la grammaire

  • Grammaire de l'Académie française, Paris, Firmin-Didot et Cie, , 253 p. (BNF 33406612)
    • Grammaire de l'Académie française : Nouvelle édition, Paris, Firmin-Didot et Cie, , 264 p. (BNF 33406613)

Structure de l'ouvrage

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Sommaire des deux éditions de la Grammaire
Édition de 1932 Édition de 1933
  • Préface
  • Grammaire de l'Académie française
  • Les Sons et les Signes
  • Formation des mots
  • La Proposition
  • Le Nom
  • L'Article
  • Le Pronom
  • L'Adjectif
    • Adjectifs déterminatifs
    • Adjectifs qualificatifs
  • Le Verbe
    • La Conjugaison
    • Verbes irréguliers
    • Les Modes et les Temps
  • Les Mots invariables
    • L'Adverbe
    • L'Interjection
    • La Préposition
    • La Conjonction
  • La Phrase
    • Les Propositions subordonnées
    • La Concordance des Temps
  • Index

Critiques

L'année même de sa parution, le linguiste Ferdinand Brunot critique vivement l'ouvrage en publiant ses Observations sur la Grammaire de l'Académie Française. Il relève et commente de nombreuses erreurs. En réaction à ces attaques, Abel Hermant publie dans Le Figaro une série d'articles sous le pseudonyme de « Lancelot » dans lesquels il attaque le linguiste sans pourtant réfuter ses observations[12],[15]. Camille Aymonier vient également défendre le travail de l'Académie en publiant en 1933 La grammaire de l'Académie française et ses critiques. Cependant l'Académie donne tacitement raison à ses détracteurs en publiant en 1933 une nouvelle édition de sa grammaire dans laquelle sont corrigées les erreurs relevées[14]. Un autre ouvrage est publié par Louis Baudry de Saunier sous le titre Gaîtés et Tristesses de la Grammaire de l'Académie française. Auteur très populaire à l'époque, son livre, largement diffusé, a certainement été beaucoup lu. Toutefois, Baudry de Saunier n'a aucune compétence en grammaire. Son travail ne fait donc pas autorité en la matière et n'est pas pris au sérieux[15],[12].

L'hostilité envers la grammaire vient aussi de certains académiciens eux-mêmes, notamment Joseph Bédier, pourtant membre de la commission chargée de son élaboration, qui anima l'opposition au sein de l'institution[16]. Publié dans le Journal de Genève, un académicien anonyme adresse cet épigramme à Abel Hermant :

« L'Académie endosse une Grammaire
Où voici, par vos soins, condamnés sans appel
Le bon sens, la coutume et son Dictionnaire.
Est-il rien de plus noir que votre astuce, Abel ? »[17]

En réaction à la publication de la grammaire de l'Académie, l'Office de la langue française est créé en 1937 par des linguistes et des hommes de lettres. Il est présidé par Ferdinand Brunot (lauréat de l'Académie française et membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) et Paul Valéry (membre de l'Académie française)[18].

Suite aux critiques dont cette grammaire a fait l'objet, l'Académie n'en a plus publié d'autre édition[19].

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Ferdinand Brunot, Observations sur la Grammaire de l'Académie Française, Paris, Droz, , 128 p. (lire en ligne)
  • Louis Baudry de Saunier, Gaîtés et Tristesses de la Grammaire de l'Académie française, Paris, Ernest Flammarion, , 201 p.
  • Camille Aymonier, La grammaire de l'Académie française et ses critiques, Paris, Firmin-Didot et Cie, (lire en ligne)
  • [Vexler] (en) Félix Vexler, « Glosses and Echos on the Two Editions of the Grammaire de l'Académie Française », The French Review, American Association of Teachers of French, vol. 7, no 4,‎ , p. 300-311 (lire en ligne Accès payant). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Caput] « L'Académie et la grammaire », dans Jean-Pol Caput, L'Académie française, Paris, Presses Universitaire de France, coll. « Que sais-je ? » (no 2322), (ISBN 2-13-039720-4), p. 77-90. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes

Références

  1. Statuts et règlements de l'Académie française.
  2. Abel Hermant, « La Grammaire de l’Académie française », sur Académie française (consulté en )
  3. Fac-simile de l'ouvrage : François-Séraphin Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire françoise, Genève, Slatkine, , 746 p. (lire en ligne)
  4. Jean-Claude Chevalier, « Les grammaires du XVIIIe siècle », dans Jean-Claude Chevalier, Histoire de la grammaire française, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , p. 62-99
  5. « Notice > « Traité de la grammaire françoise » » [archive]
  6. Caput 1986, p. 79
  7. Voir « Projet de grammaire », dans Fénelon, Lettre à l'Académie française sur la grammaire, la rhétorique, la poétique et l'histoire, Paris, E. Belin, (lire en ligne), p. 9-10
  8. Albert Dauzat, « Grammaire de l'Académie française », Larousse mensuel illustré, no 308,‎ , p. 235-236 (lire en ligne) :

    « Abel Hermant, qui est ami de la grammaire plutôt que grammairien, avait senti le besoin de s'associer un collaborateur. Quel est celui-ci ? Son nom n'a pas été révélé et on assure que la plupart des académiciens eux-mêmes l'ignorent. On peut se demander s'il était qualifié et s'il offrait des garanties suffisantes. »

  9. Félix Gaiffe, « Académiciens et grammaire », Revue universitaire, Armand Colin,‎ , p. 305-322 (lire en ligne)
  10. a b et c Caput 1986, p. 81
  11. Caput 1986, p. 79-80
  12. a b et c Louis Michel, « Brunot (Ferdinand). Observations sur la Grammaire de l'Académie Française », Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 3, no 12,‎ , p. 700-709 (lire en ligne)
  13. Caput 1986, p. 82
  14. a et b Vexler 1934, p. 301

    « A nouvelle edition, which appeared in 1933, has corrected most of the errors pointed out by critics, specially by Professor Brunot. »

  15. a et b Vexler 1934, p. 301
  16. Caput 1986, p. 89
  17. (en) William Leonard Schwartz, « Remarks on the "Grammaire de L'Academie Française" », The Modern Language Journal, vol. 17, no 2,‎ , p. 97-103 (lire en ligne Inscription nécessaire)
  18. Paul Bogaards, « Le château de cartes de la défense de la langue française », Le Débat, vol. 2, no 144,‎ , p. 177-192 (lire en ligne Accès payant) :

    « Tous les grammairiens étaient d’accord pour condamner cette grammaire qui, parue trois siècles après la création de l’Académie française, était considérée comme lacunaire et très imparfaite. Afin de répondre aux attentes de ceux qui souhaitaient pouvoir disposer de « règles certaines », un groupe de linguistes et d’hommes de lettres décidèrent de se réunir régulièrement pour trancher les questions les plus urgentes. »

  19. Les linguistes atterrées, Le français va très bien, merci, Paris, Gallimard, coll. « Tract Gallimard » (no 49), , chap. 4 (« Le français n'est pas règlementé par l'Académie française »)
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