Nombre d'Eisenstein premier
En mathématiques, un nombre d'Eisenstein premier ou nombre premier d'Eisenstein est un élément a + bω irréductible (ou de manière équivalente premier[1]) de l'anneau des entiers d'Eisenstein : ce n'est pas l'une des six unités (±1, ±ω, ±ω2) et ses seuls diviseurs dans l'anneau sont les unités et les produits de a + bω par une unité.
Ici, ω désigne la racine primitive cubique de l'unité (– 1 + i√3)/2.
Les nombres d'Eisenstein ont été nommés en l'honneur du mathématicien Gotthold Eisenstein.
Détermination
Les nombres d'Eisenstein premiers sont :
- les nombres premiers usuels congrus à –1 modulo 3 et leurs produits par les unités ;
- les entiers d'Eisenstein dont la norme (le module au carré) est un nombre premier usuel (qui est alors nécessairement égal à 3 ou congru à 1 modulo 3).
Réciproquement, l'entier 3 et les nombres premiers usuels congrus à 1 modulo 3 sont tous des normes de nombres d'Eisenstein (premiers).
D'après les propriétés générales de la norme sur un anneau d'entiers quadratiques, les nombres d'Eisenstein premiers s'obtiennent en décomposant dans ℤ[ω] les nombres premiers usuels, et pour un tel entier naturel premier p, il n'y a que deux possibilités :
- ou bien p reste irréductible dans ℤ[ω],
- ou bien p = N(π) pour un certain élément π de ℤ[ω], qui est alors irréductible.
Il reste à vérifier que ces deux cas correspondent aux congruences annoncées.
- Si p ≡ –1 mod 3, on est dans le premier cas. En effet, toute norme d'un élément π = a + bω de ℤ[ω] est un carré mod 3, puisque 4N(π) = (2a – b)2 + 3b2.
- Si p ≡ 1 mod 3, on est dans le second. En effet, un cas particulier de la loi de réciprocité quadratique montre que –3 est un carré mod p, c'est-à-dire qu'il existe un entier x tel que p divise x2 + 3. Dans ℤ[ω], p ne peut donc pas être irréductible, sinon, divisant x2 + 3 = (x + i√3)(x – i√3), il diviserait l'un des facteurs, ce qui est impossible car les nombres (x + i√3)/p = (x + 1)/p + (2/p)ω et son conjugué ne sont pas dans l'anneau (2 n'est pas divisible par p).
- 3 = N(2 + ω).
ℤ[ω] étant principal, ses éléments premiers sont les générateurs de ses idéaux premiers non nuls. Chacun de ces idéaux possède six générateurs (associés). La classification de ces idéaux dans l'anneau des entiers de ℚ(√d) pour d quelconque (cf. article détaillé), appliquée ici à d = –3, montre alors que ces éléments sont :
- pour tout nombre premier p > 3 modulo lequel –3 n'est pas un carré, les six éléments associés à p ;
- pour tout nombre premier p > 3 modulo lequel –3 est un carré, les douze éléments de norme p ;
- les six éléments de norme 3.
Or d'après la loi de réciprocité quadratique, modulo un nombre premier p > 3, –3 est un carré si et seulement si p ≡ 1 mod 3.
Exemples
Les dix plus petits nombres premiers (usuels) congrus à 2 modulo 3 sont 2, 5, 11, 17, 23, 29, 41, 47, 53 et 59[2]. Depuis 2007, le plus grand connu est 19 249 × 213 018 586 + 1, découvert par Konstantin Agafonov[3]. C'est actuellement (en ) le onzième plus grand nombre premier connu[4].
À conjugaison près et produit près par les six unités, les seuls nombres d'Eisenstein premiers de module inférieur à 7 sont, outre 2 et 5 : 2 + ω, 3 + ω, 4 + ω, 5 + 2ω, 6 + ω, 7 + 3ω et 7 + ω (de normes respectives 3, 7, 13, 19, 31, 37 et 43). Les nombres d'Eisenstein de norme 3 ont ceci de remarquable que chacun est produit de son conjugué par une unité : 3 = (2 + ω)(2 + ω) = –(2 + ω)2.
Notes et références
- ↑ Cet anneau est euclidien donc principal donc factoriel, c'est-à-dire que tous ses éléments irréductibles sont premiers.
- ↑ Pour les 1 000 plus petits, voir la suite A003627 de l'OEIS.
- ↑ (en) Chris Caldwell, « The Top Twenty: Largest Known Primes », sur Prime Pages.
- ↑ Les dix premiers nombres premiers plus grands sont des nombres premiers de Mersenne découverts par GIMPS.
- Arithmétique et théorie des nombres